Série estivale spéciale EMI

Dans cet épisode, le sociologue Dominique Cardon présente le projet européen De facto, une plateforme de vérification de l’information ouverte à tous et en particulier aux journalistes, aux enseignants et aux parents d’élèves. Bonne écoute…


La transcription de cet épisode est disponible après les crédits.


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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé.

Émission préparée et réalisée par : Luc Taramini et Hervé Turri

Directrice de publication : Marie-Caroline Missir

Coordination et production : Hervé Turri, Luc Taramini, Magali Devance

Mixage : Laurent Gaillard

Secrétariat de rédaction : Aurélien Brault

Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr

© Réseau Canopé, 2022


Transcription :

Je m'appelle Dominique Cardon, je suis professeur de sociologie à Sciences Po où je dirige un laboratoire qui s'appelle le Médialab.

De Facto est la réponse – on pourrait dire française ou francophone mais plutôt française en fait – à une initiative européenne qui a été lancée dans le cadre des multiples initiatives européennes qui sont aujourd'hui lancées sur les questions de la qualité de la démocratie, de l'information, de l'influence étrangère et des médias. Et aussi de la régulation du numérique. Un des programmes européens s'appelle European Digital Media Observatory (EDMO), qui est à Florence. Le projet EDMO a d'abord fonctionné tout seul, c'est-à-dire qu'il essayait de rassembler, notamment auprès des journalistes et des fact-checkers, toute une série de fact-checks qui étaient produits par les différents journalistes des pays européens. Et, ensuite, on s'est rendu compte que si on voulait que l'initiative ait vraiment du sens pour les gens, il fallait la distribuer dans les différents espaces publics nationaux qui sont organisés de façon linguistique. Et donc on a lancé un appel à projet dans lequel se sont constituées des coalitions dans les différents pays européens. Et De Facto est une coalition avec une idée forte de l'Europe qui est bonne à mon avis. C’est-à-dire qu’on ne passe pas par les gouvernements, on va essayer de réunir des chercheurs – c'est eux qui vont piloter ces différents hubs –, des journalistes – notamment des journalistes fact-checkers –, et des professionnels de l'éducation aux médias. Et donc De Facto, c'est vraiment l'idée de lancer, pendant deux ans et demi, un projet dans lequel les journalistes vont travailler avec des chercheurs, l'éducation aux médias va travailler avec des journalistes et on va croiser le plus possible nos intérêts respectifs.

Les partenaires du projet en tant que tels sont Sciences Po d'abord, qui pilote le projet, et au sein de Sciences Po, l'école de journalisme de Sciences Po, le Médialab de Sciences Po et un laboratoire [interdiscinplinaire] d'évaluation des politiques publiques qui s'appelle le LIEPP. Deuxième partenaire très important, Libération, Franceinfo, 20 Minutes, Les Surligneurs – et puis en réalité d'autres – qui produisent des fact-checks, qui sont rassemblés sur la plateforme du projet defacto-observatoire. Et, chaque jour, il y a des nouveaux fact-checks qui arrivent venant de ce réseau de journalistes. Et puis il y a évidemment le Clémi, mais derrière et avec le Clémi, toute une série d'initiatives qui sont portées par des expériences pédagogiques, des associations, des groupes de journalistes intervenant en milieu scolaire qu'on essaiera de rassembler. Mais on a d'abord voulu constituer ce groupe. Et puis un quatrième acteur qui est très important, c'est qu'il faut une plateforme. XWiki est l'entreprise qui fait un web ouvert en logiciels libres extrêmement agiles et qui nous a permis de monter la plateforme très rapidement.

L'enseignant va d’abord trouver sur la plateforme un ensemble de ressources. Quatre importants fact-checkers français rassemblent leurs productions et ça donne vraiment une base importante pour vérifier, debunker et observer l'information. Il va ensuite trouver un onglet qui s'appelle « Explorer ». Et c'est là que, autour du Clémi et des associations, des groupes d'éducation aux médias, sont rassemblées toute une série de ressources : des tutoriaux, des éléments de formation, des techniques de vérification de l'information multiple – notamment produites par l’AFP et qui sont très utiles –, des outils pour la famille et la désinformation… Toute une série de choses qu'on va constamment essayer de nourrir aussi, avec des témoignages, des expériences qui sont faites en éducation aux médias et à l'information. Et puis, le troisième onglet, c'est « Comprendre ». Là, on rassemble des activités de recherche qui ne sont pas simplement des activités de recherche de Sciences Po et des gens du projet mais vraiment du réseau des chercheurs francophones qui travaillent sur les médias. Parce qu'une des vocations aussi de De Facto, c'est de se dire : « On prend la question de la désinformation comme une question : “Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que c'est faux ?” » – et c'est vraiment très important et c'est pour ça qu'il y a ces fact-checks qui sont présents –, mais ce n'est pas la seule question qui se pose. On peut avoir des informations vraies qui, interprétées dans un cadre très problématique, déformé et erroné, conduisent aussi à avoir des bulles informationnelles qui peuvent être intrigantes et problématiques. Et donc l'idée d'étudier l'espace public comme un espace dans lequel la qualité informationnelle, notre souci commun, est au cœur de De facto.

L'ambition de De facto, c'est de parler à chacune des communautés : journalistes, éducateurs et chercheurs. Mais c'est aussi de parler au grand public et on va faire des événements grand public : une journée de l'information… On va participer à beaucoup d'événements grand public. On va lancer, à la fin du mois de juin et puis en septembre, une grande enquête nationale avec make.org sur comment les gens souhaitent être informés. La représentation qu'on a du numérique aujourd'hui, c'est que c'est le bazar. Et, du coup, n'importe qui raconte n'importe quelle information. En réalité, ce n’est pas tout à fait comme ça que ça se passe. Il y a toujours des structures, une hiérarchie, des légitimités, des sources, etc., même dans la consommation d’informations des utilisateurs. On voudrait mieux évaluer les techniques éducatives de l'éducation aux médias et à l'information et ça, je pense, c'est un enjeu un peu européen. Dans beaucoup d'autres De Facto d'autres pays, il y a cette même idée : « Quelles sont les bonnes approches pédagogiques ? », « Comment ces enjeux très centraux comme ça peuvent aussi revenir vers les enseignants à travers la formation et vers le public aussi ? » Parce ce qu’on a cette ambition-là en fait. C'est compliqué à faire, il faut arriver à réécrire, recomposer à peu près les ressources qui peuvent être dans le projet pour qu'elles soient manipulables, qu’elles deviennent des exercices, des outils. Le Clémi et les réseaux associés au Clémi jouent un rôle très important dans cette affaire pour essayer de donner des formats beaucoup plus exploitables et éventuellement mobilisables dans le cadre de la formation des enseignements. Il y a des petits éléments du projet qu’ils font mais, évidemment, on reste un petit projet pour le faire. Mais, par exemple, à l'école de journalisme de Sciences Po, les étudiants vont travailler à produire des fact-checks et on va les rapatrier sur la plateforme. Et on peut évidemment imaginer que des enseignants, dans des expériences éducatives liées aux médias, etc., puissent aussi être rapportés au sein de De Facto. Mais là l'enjeu de la formation des enseignants aux questions d'éducation aux médias et à l'information est central, c'est avec mais un peu à côté du projet.